01. EPA de SuresnesSur cette EPA, nous vous renvoyons à la présentation de l’ouvrage coordonné par Anne-Marie Châtelet, Dominique Lerch et Jean-Noël Luc dont vous trouverez les références à la fin de ce texte : L’école de plein air. Une expérience pédagogique et architecturale dans l’Europe du XXe siècle « Sauver la graine, redresser l’homme » : peut-on mieux résumer la vaste ambition des écoles de plein air, apparues à la fin du XIXe siècle ? Développer le corps de l’enfant tout en formant son esprit et son cœur, associer l’institution scolaire à une politique d’hygiène publique, agir à court et à long terme pour régénérer l’espèce : tous ces objectifs affleurent dans la formule de Léon Boulonnois, l’un des fondateurs de l’école de plein air de Suresnes, ouverte, en 1935, par la volonté du maire, Henri Sellier, futur ministre de la Santé du Front Populaire. L’expansion de ces écoles spéciales s’inscrit dans la lutte contre la tuberculose, première cause de mortalité des 15-29 ans en Europe au début du XXe siècle. Le traitement des plus jeunes s’appuie sur deux dispositifs : le placement à l’hôpital ou en sanatorium et l’envoi temporaire en colonies de vacances. Les écoles de plein air sont plus ambitieuses. Elles proposent à la fois des soins, fondés sur la climatothérapie et l’exercice physique, et un enseignement rénové. Elles accueillent des enfants affaiblis des quartiers populaires, susceptibles de contracter la maladie. Á tous, elles offrent « une double ration d’air, une double ration de nourriture et une demi-ration de travail », selon la formule du médecin français Joseph Grancher. L’idée de cette institution naît, en 1904, à Charlottenburg, dans la banlieue berlinoise, à l’initiative d’un inspecteur des écoles de la ville, Hermann Neufert, et d’un médecin scolaire, Bernhardt Bendix. Elle se répand les années suivantes comme une traînée de poudre. Les premières installations sont modestes : quelques baraques dressées en pleine nature à Charlottenbourg ou à Londres, quelques tentes plantées sur les enceintes déclassées de Padoue ou de Paris, une simple toiture-terrasse à Chicago ou à Stockholm. Á la veille de la Première Guerre mondiale, des dizaines d’écoles de plein air sont déjà ouvertes, et les témoignages abondent sur l’amélioration de l’état général de leurs usagers, dont le poids, la taille et la capacité respiratoire sont régulièrement contrôlés. En 1931, l’instituteur Gaston Lemonier, l’un de leurs promoteurs, les présente comme « des établissements sanitaires de prévention et de récupération où l’on donne un enseignement primaire simplifié. On y reçoit des enfants de sept à quatorze ans, anémiques, débiles, déficients, convalescents, rachitiques, ganglionnaires, désignés par les médecins [...]. On y pratique, sous une surveillance médicale, une hygiène absolue, des exercices physiques respiratoires et correctifs, une alimentation rationnelle favorisée par l’insolation, les douches, la sieste, la cure de repos et de silence ». Parti de l’Europe et des États-Unis, le mouvement s’est étendu à l’Amérique latine et à l’Afrique du Nord, Des médecins, des pédagogues, des édiles et des philanthropes se passionnent pour cette nouvelle structure de scolarisation. Des associations, des municipalités, des comités nationaux, créent ou subventionnent les établissements. Des architectes inventent des formules pour que les enfants profitent de l’air et du soleil en toute saison, jusque dans les centres-villes. Des édifices emblématiques apparaissent, comme l’école d’Amsterdam construite par Jan Duiker (1930), celle de Suresnes, conçue par Eugène Beaudoin et Marcel Lods (1935), ou celle de Copenhague, réalisée par Kaj Gottlob (1935-1938). Des congrès favorisent la confrontation des idées et des expériences : à Paris en 1922, à Bruxelles en 1931, à Bielefeld et à Hanovre en 1936. Á la fin des années trente, les écoles de plein air se comptent par milliers. Après la Seconde Guerre mondiale, d’autres rencontres internationales ont lieu, en Italie en 1949, puis en Suisse en 1953. Mais ces nouvelles manifestations ne doivent pas faire illusion. Á l’heure de l’antibiothérapie, de plus en plus utilisée depuis 1945, l’école de plein air est remise en cause. Son idéal résiste, pourtant. Il inspire une nouvelle génération de maîtres formés dans le centre de Bad Dürrheim, en Forêt-noire, où l’armée d’occupation à ouvert des maisons de plein air pour accueillir des enfants originaires des grandes villes françaises. Il transparaît dans le fonctionnement de certains établissements de l’Association nationale des communautés d’enfants, fondée en 1949, et dans l’organisation des classes de nature, à partir de 1964. Il influence l’architecture scolaire, comme le prouve le débat qui se développe en Suisse entre 1930 et 1950. Il donne naissance, en 1954, au Centre national d’éducation en plein air de Suresnes, l’ancêtre du CNEFEI (Centre national d’études et de formation pour l’enfance inadaptée), au rayonnement international. Mais, au fil des ans, la mémoire collective a oublié l’institution née au début du siècle et, avec elle, les espoirs conquérants qu’elle avait suscités. Cette institution mérite d’être redécouverte. N’a-t-elle pas proposé des réponses modernes à des maux qui n’ont pas tous disparu ? Aujourd’hui comme hier, nos sociétés ne sont-elles pas confrontées à l’indigence - on parle plutôt d’exclusion -, à ses corollaires, la malnutrition et le manque d’hygiène, et aux difficultés de la rénovation pédagogique ? Et si le plein air n’est plus considéré comme une panacée, son idéal n’en a pas moins triomphé à travers la célébration, sous l’étiquette « d’hygiène de vie », voire « d’écologie », du développement équilibré du corps et de l’esprit, du sport, de l’ensoleillement et des loisirs au milieu de la nature. Tirer de l’ombre l’histoire de l’école de plein air n’allait pas de soi. L’ambition de son projet imposait de se situer au carrefour de l’histoire de l’école, de l’enfance, de la médecine, de l’architecture et de la ville. La diversité des acteurs et des savoirs réclamait la lecture, plurielle, d’historiens, de sociologues, de spécialistes des sciences de l’éducation et d’architectes. La diffusion de l’institution obligeait à considérer les réseaux, les emprunts et les particularités nationales. Pour relever le défi, la formule du colloque international était la mieux adaptée. L’ouvrage réalisé à partir de cette manifestation concerne dix pays européens. Il associe à des panoramas nationaux, tous traduits en anglais, des éclairages thématiques et des études de cas, toujours suivis d’un résumé en anglais. Il propose de nombreux plans et de multiples illustrations, souvent inédites. Ce livre conduit le lecteur parmi des bâtiments originaux, voire étranges, perméables à l’air comme à la lumière, grâce à leurs parois de verre escamotables. On y rencontre des médecins pénétrés d’hygiénisme, parfois adeptes du naturisme, et des enseignants passionnés d’Éducation nouvelle, émules d’Adolphe Ferrière. On y voit des élèves, chétifs ou robustes, qui transportent leur pupitre sur leur dos, jouent au soleil dorment en pleine nature. Aimable chimère ? Solution dérisoire, mâtinée d’eugénisme ? Simple instrument de contrôle social et sanitaire des classes populaires ? Au-delà de ces images réductrices, on découvre un laboratoire pédagogique au service de l’Éducation nouvelle, un lieu de développement de la médecine préventive, un instrument d’une politique municipale de l’enfance, un espace d’innovation architecturale. Observer l’école de plein air dans sa globalité, c’est reconstituer l’histoire d’un lieu d’émergence d’une relation privilégiée entre l’être humain, son corps et l’environnement au cours du premier XXe siècle. Pour en savoir plus : Anne-Marie Châtelet, Dominique Lerch, Jean-Noël Luc (dir.), L’école de plein air. Une expérience pédagogique et architecturale dans l’Europe du XXe siècle. Open-Air Schools. An Educational and Architectural Venture in Twentieth-Century Europe ; Paris, Éditions Recherches, 2003, 111 illustrations et plans - 431 p. Remarque : Le sommaire de cet ouvrage est consultable à l’adresse internet suivante : http://perso.orange.fr/.editions-recherches/epa.html Nous vous renvoyons, d’autre part, à deux sites internet qui abordent l’historique de cette EPA : 1.http://www.ville-suresnes.fr/fr/5bh.htm L.G. |
|