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7. Le village d’enfants de DieulefitJe suis très heureux de pouvoir mettre en ligne ce témoignage inédit de Marguerite Soubeyran qui date des années 1944-1945 et qui permet de mieux comprendre les orientations de cette institution. Bonne lecture. L. Gutierrez *** " En 1929, après 2 ans passés à l’Institut Jean-Jacques Rousseau, j’ai ouvert l’Ecole nouvelle libre de Beauvallon en pleine campagne, à 2 kms de Dieulefit. Là depuis 15 ans, nous recevons filles et garçons de 2 à 16 ans, venus de tous les coins de France. Nous avons un internat mixte ; nous relevons donc de la Santé comme aérium et dans cet internat, j’ai ouvert une Ecole Primaire ayant le B.S. (Brevet Supérieur) et le diplôme de fin d’études Secondaires. Nous recevons des enfants difficiles, inadaptés à la vie scolaire normale et nous les récupérons pour les renvoyer ensuite aux Ecoles d’Etat (Le jeune R.S. de Paris ne pouvant pas passer en 6è à cause d’une orthographe maladive est venu faire le programme de 6è chez nous et a pu ensuite, son orthographe améliorée, reprendre ses études et les continuer jusqu’après la bacho. Même remarque avec M.P. de Paris qui du passer 4 ans chez nous avant de s’améliorer. Tous deux sont d’ailleurs q’une bonne intelligence, 110 et 108 comme Q.I.). Nous pratiquons l’enseignement individualisé par fiches, car les élèves nous arrivent à toutes les époques de l’année et à tous les niveaux. Après examen par des tests : Binet Simon, Dearborn, P.V. 1ère partie, Meilli, nous les classons d’après leur âge mental et leurs possibilités. (Le jeune T. de Lyon, fils de compositeur, nous est amené par ses parents comme incapable de faire des études et devant être orienté vers un travail manuel. Après 104 Q.I., nous reprenons toutes les bases et 3 ans après, il peut reprendre ses classes, devient docteur en médecine et veut se spécialiser pour la psychanalyse ; même remarque pour un jeune belge, C.N. qui est maintenant un brillant sujet). Nous nous inspirons des méthodes Montessori et Decroly jusqu’à 10 ans, parce que, là, les programmes importent peu et, ensuite, du Dalton Plan et de Winnetka, pour suivre les programmes et permettre aux enfants de pouvoir nous quitter brusquement. Nous pratiquons le Self Gouvernement avec assemblée d’enfants tous les 8 jours, où nous votons les responsables des classes, de la table, des chambres, et les lois fixant la discipline de toute la vie de la maison. Tous les matins, nous avons une réunion d’un quart d’heure pour commencer la journée, où nous faisons de la musique, des lectures, etc. Nous avons eu des jardinières d’enfants venant du Collège Sévigné, du Bastion 42, de l’Institut des Sciences de l’Education de Genève. Pour les classes supérieures, nous avons eu des licenciés de lettres et de sciences et depuis la guerre, des professeurs de l’Etat renvoyés par Vichy comme juifs. Pour pallier aux inconvénients de l’enseignement individuel et des classes peu nombreuses, nous faisons en accord avec le principal du Collège de Montélimar, faire à nos enfants les compositions trimestrielles de ce collège - les professeurs nous envoient les textes des compositions, nous les faisons faire dans les délais prescrits, les renvoyons et elles nous sont corrigées (au tarif de leçons particulières) et classées parmi celles de la classe correspondante. Nous avons ainsi un classement de l’enfant par rapport à une classe normale d’un établissement de l’Etat. Les notes obtenues nous servent à déterminer la moyenne de l’enfant et, en juillet, nos élèves vont passer à Montélimar les examens de passage d’une classe à l’autre. Depuis 2 ans, nous présentons des candidats au certificat de 3è. Plusieurs de nos candidats font maintenant leur 2sd ou leur 1ère à Paris, à Lyon et à Clermont. Nous présentons aussi avec succès des enfants au DEPP (Diplôme d’étude de perfectionnement professionnel). Consciente que les Ecoles Nouvelles libres dont nous sommes presque une des seules survivantes ont un grand rôle à jouer pour préparer l’établissement des écoles nouvelles publiques et, ensuite, pour faire plus librement des expériences et des récupérations que les écoles publiques ne pourraient pas faire, nous demandons qu’un statut des Ecoles Nouvelles libres soit élaboré pour différencier les Ecoles Nouvelles des Ecoles libres ordinaires. Nous proposons comme bases, les points suivants qui faisaient partie du programme demandé par Ferrière : 1° Ecole non confessionnelle - donc laïque. 2° Ecole mixte 3° Ecole classant les élèves par âge mental d’après des tests 4° Ecole pratiquant l’individualisation de l’enseignement 5° Ecole appliquant le self gouvernement 6° Ecole à la campagne ou dans un jardin pour pouvoir pratiquer élevage, culture et travaux manuels 7° Ecoles ayant à leur tête des Directeurs et Directrices ayant en tout cas une formation psychologique. Ces écoles nouvelles ne devraient pas être des écoles pour riches, mais des écoles populaires où toutes les classes seraient mélangées. Elles auraient besoin d’une aide de l’Etat sous forme 1° de détachement temporaire « renouvelable » chaque année, d’institutrices et des professeurs s’intéressant aux méthodes nouvelles et à leurs applications et qui, après stage plus ou moins long, retourneraient apporter cet esprit nouveau dans les écoles de l’Etat. 2° de subventions sous forme de bourses pour les enfants des classes travailleuses. Pour l’école de Beauvallon, école nouvelle libre existant depuis 15 ans et ayant fait ses preuves (nous pouvons fournir attestations de professeurs et d’élèves), nous demandons sa transformation en Centre expérimental dans le cadre de l’Académie de Grenoble avec subvention et détachement. M. Soubeyran Directrice de l’Ecole de Beauvallon, Dieulefit Pendant la guerre, nous avons refusé toutes les subventions offertes par Vichy ". |
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